un long fleuve tranquille

La vie est un long fleuve tranquille. Elle coule, inexorable, pour se jeter vers sa fin. Assise sur un banc, je regarde l’eau du Danube, si étroit ici à Tuttlingen, défiler devant moi. Des milliers de ridules se déplacent et vibrent à la surface. Le courant charrie une multitude de petits débris. L’eau se renouvelle sans cesse, elle n’est jamais la même et pourtant le Danube garde son nom. À tout moment, il est autre et pourtant lui-même. Je pense à ma vie qui ressemble le plus souvent à ces petites mares où l’eau stagne. J’ai voulu ce voyage pour que l’eau des fleuves coule en moi, pour que la fluidité de la vie vibre en moi. L’eau du fleuve coule vers l’aval mais lui, le fleuve, jamais il ne se précipite. Il est ici ou là. Mais s’il est ici, tout petit, à Tuttlingen, il est aussi là-bas, immense, dans son delta se jetant dans la mer Noire, sa fin, son apothéose. Il est là où il est, tout simplement. J’ai voulu ce voyage pour être là, tout simplement. Et me voilà encombrée par l’anticipation de ce qui adviendra, par la planification des prochaines étapes. Un barrage s’est érigé en moi. L’eau a été déviée. Elle ne m’alimente plus comme auparavant. Alors qu’au début tout coulait de source maintenant, je suis plongée dans les cascades et les tourbillons. Le rythme a été interrompu, inversé. Alors que habituellement ce n’était qu’après quelques semaines de voyage qu’un rythme fluide s’installait, là, déjà très tôt, nous étions en état de grâce. Puis-je retrouver cet état ou dois-je, comme le fleuve, m’adapter aux éléments, laisser couler ? Ou est-ce deux manières de dire la même chose ? J’ai voulu ce voyage pour être au plus près de moi et pour être pleinement présente à Étienne et à ce qu’on allait vivre ensemble. Je m’en éloigne trop souvent. Mais comme le fleuve qui, lors des crues, sort de son lit puis y revient, j’essaie de garder la trace de mon essence, l’origine de ma source. Aujourd’hui, demain peut-être, une goutte d’eau retrouvera sa route, sa direction. Et puis une autre. Et d’autres gouttes d’eau encore. Je n’aspire qu’à être un fleuve.

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Le Danube à Tuttlingen

 

 

un mois déjà

Un mois déjà, et quelques jours, que nous sommes arrivés sur le sol français. Son printemps tardif avec son lot de pluie et de vent froid nous aura mis à mal. Nous voici coincés (!) à Mulhouse, dernière étape française de notre périple, tentant tant bien que mal (ou l’inverse?!) de nous extirper de cette gangue fiévreuse qui nous emprisonne dans ses tenailles depuis plus d’une semaine. Nous sommes aux prises avec une bonne grippe d’homme !

Un mois déjà que nos journées filent au ras de l’eau des fleuves, des canaux et de leurs dizaines d’écluses. Que la campagne française déroule sous nos yeux ce pays si cher aux Français, bien tangible. Toutes ces maisons avec un jardin à l’arrière et des poules, des chèvres, des canards. Même celle de l’éclusier. Des potagers et des arbres fruitiers en fleurs. De quoi bien se nourrir. Importance capitale. Et dans les pâturages, combien de vaches, de chevaux et d’ânes ? Et tous ces hérons s’envolant à notre approche et tous ces cygnes glissant majestueusement sur l’eau et qui ponctuent notre quotidien. Nous prenons très peu de photos mais nous en prenons plein les mirettes !

Un mois déjà que nous vivons, en synchronicité, coup de pédale après coup de pédale, deux corps en mouvement dans le paysage. Que nos muscles se tendent et se relâchent. Que l’effort se partage. Que nos souffles s’harmonisent. Que nous nous encourageons et nous félicitons mutuellement. Que nos paroles se mêlent et que le récit qui en découle accompagne nos déplacements. Que nous nous sentons, ensemble, pleinement vivants !

Un mois déjà que nos soirées s’enrichissent des discussions que nous avons immanquablement avec nos hôtes et dont les sujets sont fort variés. Que nous prenons le pouls de cette culture, si différente de la nôtre. Que nous écoutons, tentant de retracer les fils des valeurs et des croyances qui sous-tendent les discours et structurent la société. Que nous nous essayons à comprendre, malgré le manque de références et une surabondance d’acronymes, une minuscule parcelle des idéaux français. Que nous vibrons, avec eux, dans cet attachement à la terre, à la paysannerie. Que nous leur envions la richesse et la diversité des activités culturelles qui essaiment dans chaque petite ville.

Un mois déjà que nous vivons au diapason de nos hôtes français, que nous nous ajustons aux petites différences culturelles dans tous ces gestes qui rythment le quotidien. Le soir, on ferme les volets. Au Québec, il n’y en a pas. Ah! Non ? Air ahuri des Français. Le matin, on mange les tartines à même la nappe, sans assiette. Air ahuri d’Étienne. Le pain, c’est le 4e ustensile, celui qui permet de nettoyer bols et assiettes. Les toilettes sont dans une pièce; la baignoire et le lavabo dans une autre. Et ainsi de dizaines de petits détails.

Un mois déjà que la parole tisse des liens entre nous, voyageurs de passage, et tous ces gens qui nous ont si bien accueillis. Que les propos, de part et d’autre, ont percé de nouvelles ouvertures, ont agrandi ou changé la perspective. Que les mots ont pu se déployer sur les plans intellectuel et sensible, réel et onirique. Que les contes partagés nous ont rassemblés et nous ont, chacun à notre façon, montré des pistes insoupçonnées.

Un mois déjà et il faudra très bientôt se dire au revoir. Peut-être que c’est ça, le noeud dans ma gorge.

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Rue des boulangers à Mulhouse : là où un petit nid nous permet de nous remplumer

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Citadelle de Besançon

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Dans la vieille ville de Besançon

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Dole sous la pluie

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La cour intérieure de la mediathèque de Dole

 

conter fleurette

Contes au jardin, au salon, autour de la table, en classe de maternelle, au primaire, au collège (secondaire), chez la nounou ou en mediathèque. Contes intimes pour une ou deux personnes ou contes devant un public de 25-30 personnes. Ce printemps m’aura offert la chance de partager l’univers des contes dans une variété de contextes mais toujours dans une belle connivence. Les fleurs les plus magnifiques, je les aurai entraperçues, fugitives, sur le visage de toutes ces personnes venues m’entendre.

Qui du public ou de la conteuse se sera fait conter fleurette?

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Contes au jardin

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Bonheur de conter au jardin

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Marie-Cécile conte dans son jardin

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Joute de contes de Nasreddin

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Public adorable qui, après une heure de contes et passé 22 heures, en redemandait !

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Contes en classe de maternelle (moyenne et grande section = 4-5 ans)

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Contes et récit de voyage en CM2 (élèves de 10 ans)

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Contes et récit de voyage en 5e au collège (élèves de 12-13 ans)

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Contes chez la nounou : 8 assistantes maternelles et 15 tout – petits (3 ans et moins)

 

 

le millième

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1000 kilomètres !

 

Voilà, nous avons franchi la barre du mille kilomètres aujourd’hui. Déjà. Nous avons pédalé 18 jours sur 24 depuis notre arrivée sur le sol français. Une moyenne de plus de 55 kilomètres quotidiennement. Trois jours avec plus de 90 bornes dans les mollets. Jusqu’ici tout va bien. Vivement les 4000 prochains !

bon courage !

Un Québécois croisant un voyageur à vélo lui souhaite « Bonne route !  » Un Français lui souhaite « Bon courage !  » Est-ce une question de perception de l’ampleur du périple ?  Un regard différent sur l’effort, la persévérance ?  Est-ce le doute en la capacité de l’autre ou un reflet de ses propres limites? Ou est-ce une grande candeur envers toute entreprise, une pensée magique, l’idée, très américaine, que tout est possible ? Sky is the limit. If you can dream it you can do it.

Est-ce que l’ébahissement précède le doute ? Est-ce que la naïveté pave le chemin de la confiance? Aurions-nous besoin de courage ? Nous ne le croyons pas. Les petites déceptions et les coups de découragement sont passagers. Kilomètre après kilomètre, la motivation, le plaisir et la fierté sont au rendez-vous. Et nous ne doutons pas. Ni d’arriver à destination ni de persévérer jour après jour. Aurions-nous besoin d’une bonne route? Certes, nous avons roulé sur des voies cyclables en bitume et sans grand relief ainsi que sur de petites routes communales paisibles. Mais nous avons aussi tracé notre chemin sur des bandes cyclables urbaines n’ayant de cesse de louvoyer, de monter et de descendre ; sur des routes départementales étroites et fort achalandées où les voitures ralentissent peu ou pas du tout ; sur des rues qui rétrécissent dans les villes et les villages grâce (!) à des petits terre-plein de ciment et où les véhicules qui décidaient de se frayer un passage malgré notre présence, nous effleuraient presque ; sur des chemins de halage herbeux, boueux ou plein de cailloux. Mais est-ce à dire que ce sont là de mauvaises routes ? Tant que nous avançons, peu importe l’état de la route, les obstacles et les détours ; peu importe la faible cadence à laquelle nous avançons ; peu importe que nous glissions dans un grand trou de boue ; peu importe que nous descendions du tandem et que nous le poussions pour monter une pente trop inclinée ou pour traverser un passage trop glissant ; peu importe si nous n’arrivons pas à l’escale prévue ; peu importe que nous nous égarions ; nous sommes sur notre route.

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Belle voie cyclable en bord de Saône

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Chemin de halage herbeux

 

 

heureux d’un printemps…

… qui m’chauffe la couenne. (Paul  Piché)

Il aura tardé à venir ce printemps français.

Pourtant, les arbres fleurissant d’une promesse à venir embellissaient notre parcours.

Pourtant, la Loire, magnifique dans ses méandres et bruissant du chant de tous ces oiseaux qui s’y lovent, nous chuchotait mille secrets d’eau.

Pourtant, les châteaux, les villages juchés sur des collines aux maisons serrées les unes contre les autres, les cités médiévales déroulaient, pour le plaisir de nos yeux, leurs merveilles.

Pourtant, le sourire et l’accueil chaleureux de tous ceux qui ont croisé notre route embaumaient notre âme et notre esprit.

Pourtant, la fierté des kilomètres qui défilent nous encourageait à poursuivre notre route.

Et voilà, alors que le printemps montre vraiment le bout de son nez, nous sommes présentement arrêtés chez des amis au nord de Lyon. Temps de ressourcement, temps de plaisirs partagés, temps pour retisser des maillons qui nous relient à cette autre vie, celle hors de l’aventure. Temps de questionnement justement sur les liens entre ce qu’on appelle la vie quotidienne et cette vie nomade. Temps de réflexion sur nos manières d’être en voyage et au quotidien. Temps pour prendre conscience qu’en voyage, notre ancrage au réel, notre stabilité, se trouve sur le vélo, en mouvement, au fil des coups de pédale. Temps pour accueillir le tourbillon des émotions et des sensations vécues par cet arrêt promis et voulu mais qui nous coupe momentanément de notre trajectoire, de notre corps qui se déplace dans le paysage.

Nous reprendrons la route samedi. Le corps, fébrile, montre sa hâte. Notre rythme n’est pas encore tout à fait installé. Il viendra. Ou pas. Nous repartons à la découverte du chemin qui se dessine sur les routes et en nous.

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Il fait très froid ce 1er mai!

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1er mai : bouquet de muguet qui ornera notre sacoche de guidon sur 94 kilomètres jusqu’à Mâcon.

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Ajustements bienvenus: Merci Christian.

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Tunnel du Bois clair: 1,6 kilomètre d’obscurité !

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La maison des mots à la Charité-sur-Loire

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Que dire de plus?

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La Charité-sur-Loire

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La Loire entre 2 averses

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Balade le long du canal latéral à la Loire

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Vaches charollaises

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Dans les collines entre Paray-le-Monial et Blanzy

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Chèvre et chiottes…

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Il fait beau et chaud chez Marie-Cécile, Jean – Pierre, Julie et Alice: vive le printemps !