ma place

J’ai marché longtemps. Longtemps, sans même humer l’air. La tête ailleurs, la terre sous mes pieds. Un rayon de soleil m’a fait relever la tête. Dans la fragmentation de la lumière, une plume tourbillonnait. Elle s’est posée sur un tas de feuilles mortes, les mêmes qui crissaient sous mes pieds. La plume ne m’a rien dit. Mais quand je me suis penchée sur elle, blanche et grise, elle a esquissé un sourire. Furtif, mais là, à cet instant, j’ai su le reconnaître. J’ai lissé la plume sur ma joue et j’ai entendu le vent. C’était une mélodie douce et brute à la fois. Mon pas s’est allongé, plus assuré, et en même temps plus léger. J’avais glissé la plume dans mon chignon : je devenais une femme-oiseau. Dans ma gorge, sonore et muet à la fois, un chant prenait de l’ampleur. Mon être gonflé d’orgueil, de beauté, de moi, de ce chant liquide, mon être et mon corps soulevés par une grâce qui ne m’appartenait pas mais qu’on m’offrait, là, dans l’instant. Et dans cet espace flou, large, inconnu, dans ce mouvement d’envol, j’ai reconnu ma place. Ma place possède un nom. Elle s’appelle liberté.