Et alors, c’était quoi ce voyage?

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17 décembre 2016, Warden, Québec, Canada

Depuis quelques jours, je relis, page après page, jour après jour, ce carnet de voyage que j’ai tenu cet été en Europe. Ailleurs. Depuis notre retour, je me sens si souvent étrangère dans mon propre corps. Une partie de moi ne semble plus m’appartenir. Elle vogue quelque part entre ici et là-bas. Je ne suis pas assez ample pour embrasser toutes ces découvertes, tout ce que cette aventure m’aura transmis. Je déborde de tous côtés. J’essaie de me rassembler, de me contenir. Je n’y arrive pas.

Aujourd’hui, le ciel est blanc, gris, immense. Les arbres sont décharnés. Et dans ce dépouillement, la neige tombe, flottante, suspendue entre ciel et terre, un rideau de perles blanches s’étirant entre ici et plus haut. Lentement.

17 avril au 22 juillet 2016, voyage à vélo en Europe

Et alors, c’était quoi ce voyage? Qu’est-ce que c’était que ce périple en tandem mère-fils devant nous mener de Paris à Istanbul?

Ce voyage nous aura fourni, en abondance, du temps suspendu, étiré et d’une telle densité. Du temps arraché au quotidien, à la frénésie de nos petites vies saturées d’envies, à cette accélération, cette poussée fulgurante vers l’avant. Du temps se déployant lentement au fil des coups de pédales. Du temps plein à craquer de paysages, de cultures, de rencontres. Du temps vibrant d’humanité. Du temps vivant, palpitant, virevoltant. Le corps exposé à tous les vents; les muscles sollicités, endoloris, bénis; les sens en éveil et le cœur en émoi. Du temps pour aller à la découverte de soi et des autres, pour apprendre à vivre et voyager. Du temps ensemble à créer, en parallèle au voyage réel, une odyssée imaginaire.

Ce voyage nous aura dessiné une longue traversée de près de 4000 km entre 2 points géographiques, Paris et Port Cetate en Roumanie. Nous aurons foulé le sol de 9 pays, suivi 3 fleuves principaux, pédalé dans de vastes plaines et grimpé monts et collines. Mais c’est dans notre paysage intérieur que nous aurons ressenti le plus de variations. C’est notre propre chemin personnel que nous aurons arpenté, ensemble et chacun de son côté.

Ce voyage nous aura raconté nos possibilités. Nous aurons effleuré nos peurs, puisé à même un courage insoupçonné, entrouvert des portes, laissé de côté nos à priori, élargi nos esprits, exploré de nouvelles façons d’être, tendu nos cœurs et nos mains, offert nos paroles hésitantes et des histoires par-delà le temps, souri de tout ce que nous devenions, gambadé avec nos plus folles pensées. Ni exploit sportif ni voyage touristique. Davantage une aventure humaine: une équipe mère-fils; des rencontres par dizaines, quelques-unes très brèves, le temps d’un sourire ou d’un signe d’encouragement, et d’autres s’échelonnant sur 2-3-4 jours; une plongée dans nos méandres intérieurs; un aperçu de l’art de vivre et de l’histoire de ces humains qui, comme nous, essaient tant bien que mal de vivre en ce début de 21e siècle.

Ce n’est pas un secret. Ce voyage aura été l’écrin de dizaines et dizaines de perles luminescentes. Ces perles, ce sont tous ces moments d’échange avec les autres, si différents et si semblables. Voilà notre trésor, recueilli kilomètre après kilomètre, dans l’instant, et que nous chérirons longtemps.

Merci à tous ces gens qui ont croisé notre route, qui nous ont accueillis et qui nous ont permis de donner un peu de nous.

Je ne suis pas riche des choses que j’ai ramassées mais de celles que j’ai données.

proverbe tsigane