Participer à l’enchantement du monde pour qu’éclabousse la beauté sur nos parois invisibles. Un cri, un chant, une larme muette fourmillent sur nos peaux tatouées de chagrin. Une danse s’imprime sous nos pas répétitifs, dans notre chair anesthésiée, hors de son orbite depuis des temps trop anciens. Reconquérir la mémoire de l’eau sous nos rides et dans le creux des hanches. Inlassablement, peindre notre visage jusqu’à y découvrir ses paysages ancestraux. Écouter notre sang frémir, palpiter, contre les rivages de nos désirs. Notre souffle advient, palimpseste de nos émois à venir.
Participer à l’enchantement du monde, s’immiscer par la déchirure et arpenter les chemins broussailleux, flâner dans les champs en jachère et écouter le silence de la terre, si plein, si vibrant. Louer la déchirure qui, non, ne s’est pas cicatrisée mais qui tremble au moindre soupir. Louer la déchirure par laquelle pénètre la lumière. Consentir à garder les yeux ouverts, à scruter la pénombre, à apercevoir, ô joie, le scintillement des lucioles. Consentir à ouvrir les bras, plus grand, d’une immensité telle que le vertige se déploie et nous emporte là-haut, plus haut. Consentir à entendre les chants des oiseaux sous notre crâne, à en discerner les motifs récurrents et les mélodies nouvelles, à nous laisser ensorceler, pantois, y entremêlant notre propre sifflement.
Participer à l’enchantement du monde pour que le réel cesse sa glaciation, pour que les ténèbres s’apprivoisent, pour que la pluie s’illumine. Ma main dans la tienne, mes frayeurs nous accompagnant, je n’aurai que ma voix comme offrande. Une voix habitée de mille mondes, une parole jaillissante, à la fois tumulte et accalmie. Des paroles innombrables l’auront fécondée et à son tour, elle nourrira la terre, caressera le visage des hommes, bercera les petits corps, allumera des étincelles de beauté au coin des yeux.
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