Demain matin, comme les derniers jours, nous reprendrons la route, le fleuve nous accompagnera, mon regard s’y noiera. Depuis mardi, ce périple le long du majestueux fleuve St-Laurent a réellement débuté. À présent, mon chemin se dessine dans l’odeur de la vase à marée basse et dans le murmure des vagues qui me berce la nuit. Aujourd’hui, un petit 40 kilomètres avec un fort vent de face: nous avancions comme des tortues en forçant comme des bêtes! Nos muscles déjà endoloris crient souffrance! Partis depuis deux semaines, nous avons parcouru 582 kilomètres. Les cinq premiers jours ont consisté à pédaler pour nous rendre aux environs de Québec où nous avons séjourné chez divers amis (retrouvailles et repos pour Étienne qui était fiévreux).
Mais voilà, pendant cette période d’arrêt, ceci dit fort réjouissante, cette impression d’être dans un espace de flottaison, quelque part hors du voyage, même si cela en faisait partie. J’avais hâte de reprendre la route, de me remettre, le corps et l’imaginaire, en mouvement, de respirer à fond, de sentir la vastitude se déployer en moi, de ressentir l’élan du voyage qui me transporte. Comment garder vibrant cet état de présence que l’élan du voyage imprime dans notre être tout entier lorsque le corps s’arrête pour quelque temps alors que le voyage, que la vie, que les découvertes et les partages se poursuivent hors de cette cadence rythmée, imposée par le vélo? Ce voyage est-ce seulement un chemin tracé le long d’un cours d’eau, des kilomètres à avaler à vélo?
Ce voyage, je le rêve encore pour qu’il soit à la fois un itinéraire au bord de l’immensité du fleuve et un chemin intérieur que je défriche, un état de présence et de disponibilité à ce qui peut advenir, un rythme lent et vivifiant, un souffle dans mon corps en mouvement, une ouverture à être tout simplement. Ce voyage, une métaphore de la vie certes mais également son début, son prolongement.
Demain matin, nous reprendrons la route. Nous irons à la rencontre de nos rêves. Nous continuerons à labourer la terre qui nous habite et à en goûter les fruits. Mais aussi, nous trébucherons, nous manquerons des occasions de rendez-vous, nous ne serons pas à la hauteur de toutes nos espérances, nous aurons peur et froid, nous n’oserons pas faire le pas de côté qui nous permettrait d’imaginer davantage et autrement… Nous ne serons aventuriers que dans les chemins les plus avenants, nous ne serons explorateurs que de nous-mêmes et de la vie. Toutefois, nous serons en mouvement au rythme de notre vélo, dans un état le plus ouvert possible, en suivant le chemin esquissé sous nos roues. Peut-être même qu’en fait, nous serons le voyage.
Voici quelques photos de notre périple jusqu’à maintenant:
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.