J’ai presque 7 ans quand la télévision en couleurs prend place dans notre salon. Au moment même où nous suivons la série télévisée sur Sissi, impératrice d’Autriche. Dèjà, j’étais en pâmoison devant Sissi. Même dans ses habits gris et blanc, Romy Schneider m’envoûte. Alors quand je la vois resplendissante dans ses robes chatoyantes et richement ornées, c’est le coup de grâce. Plus tard, quand je serai grande, moi aussi, je serai une princesse.
Il y a deux jours, nous étions à Vienne. Nous avons visité les jardins et le palais Schönbrunn, résidence des Habsbourg, là où Sissi et François Joseph ont vécu. Dans la grande galerie, j’avais à nouveau 7 ans : une princesse valsant avec son prince charmant. Mais cela n’a duré qu’un instant. L’instant d’une bien courte illusion. Les salles ont défilé, plus fastes les unes que les autres. Un charmant décor de maison de poupées. Une vie factice où l’esthétique primait. Et même si Sissi s’est rebellé contre la rigidité de la monarchie, paradoxalement, elle était le porte-étendard de toute cette magnificence. S’astreignant à des séances d’exercices, s’absentant la plupart du temps des repas familiaux, passant des heures dans son cabinet de toilette, à la fois esclave et tyran de sa propre beauté. À Schönbrunn, malheureuse, elle n’y faisait que passer et voyageait partout dans le royaume.
Je ne suis pas devenue une princesse. Au moment où j’écris ces lignes, je me réveille dans une toute petite tente, plutôt sale, la pluie tambourine au-dessus de ma tête et des dizaines de grosses limaces glissent sur les parois de la tente. Hier soir, j’ai mangé un couscous à l’eau additionné de purée de tomates. Je m’apprête à remettre mes vêtements de cycliste, humides, et que je n’ai pas pris le temps de laver hier soir, et à repartir pédaler sous la pluie pour 60, 80 kilomètres ou peut-être plus. La beauté, je n’ai pas à m’y astreindre, elle vient à moi. Elle est à la fois en toute chose et dans le regard que je porte sur ces choses. Qui sait quelle forme elle prendra aujourd’hui. Comme Sissi, je voyage mais ce n’est pas seulement le point de chute qui m’importe, c’est tout le chemin. Et mon royaume, c’est le monde, les gens, la vie.
Je ne suis pas devenue une princesse. Quelle chance !

Palais Schönbrunn à Vienne
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